On me demande souvent ce que je pense des nouveaux produits sans alcool qui se multiplient sur le marché.
Je ne prétendrai pas les avoir tous gouté, cela ne sera donc qu’un avis subjectif même si on va contrebalancer avec des analyses objectives.
Spoiler alert, dans l’ensemble l’expérience est ultra décevante, mais comme partout il y a des surprises, pourtant il ne s’agit pas d’un article sponsorisé !
-> Déjà de quoi parle-t-on ?
Avant tout, je trouve qu’il est important de définir de quoi on va parler. Car en aucun cas, jamais, nada, vade retro, vous ne m’entendrez parler de « Gin sans alcool » voire même de « spiritueux sans alcool ».
Vous me direz que l’on dit bien bière ou vin sans alcool et que cela ne choque pas grand monde.
Forcément sur le gin, je suis + tatillon, sachant que le gin est défini comme un spiritueux titrant minimum 37,5% vol. d’alcool avec des notes prépondérantes de baies de genièvre. Oui je sais, la nomenclature n’est pas très précise sur la fin (pas sur le début) ce qui permet aujourd’hui d’avoir une catégorie qui part dans tous les sens, mais là c’est un autre sujet !
Si je vous dis « Steak sans viande » ou « fromage sans lait de vache/brebis/chèvre » vous allez me dire que c’est complètement débile comme appellation.
Et bien là c’est pareil avec les spiritueux, tous les spiritueux.
Donc ami journaliste, je compte aussi sur vous pour ne pas répéter « gin sans alcool », soyez créatifs dans vos écrits, je vous en remercie 🙏
Vous voulez faire partie de cette nouvelle catégorie, et bien définissez-lui un nom qui fasse nouvelle catégorie.
0.0 initié par Heineken (il me semble) est une idée intéressante, c’est du branding, mais nous sommes sur un marché où le marketing est puissant.
Au début, je les appelais les « alternatives » mais cela serait les rabaisser ; déjà qu’ils le font en s’appelant « sans alcool » !
Bref, si vous avez des idées, n’hésitez à les écrire dans les commentaires.
-> Sans alcool = sans goût ?
Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Néanmoins, et en dehors de toutes considérations sur les méthodes d’élaboration, cette nouvelle catégorie aura permis de mettre en avant le rôle de… l’éthanol dans le goût des spiritueux.
Car oui, ce n’est pas seulement un kick en bouche, il apporte de la structure qui va exhaler les autres arômes & saveurs.
Je le redis, je n’ai pas tout gouté, mais très souvent, le goût est assez fade. Ce sont des nouveaux goûts auxquels il faut s’habituer, mais si tu me dis que tu es un gin ou un spiritueux, je m’attends à ce que je retrouve le goût de ces produits.
Pas le même goût = pas le même nom, sinon il y a tromperie, même si tu as utilisé un alambic avec des baies de genièvre.
Il faut donc arrêter de se faire passer pour ce qu’ils ne sont pas. Par contre, à mixer pourquoi pas. Je dois reconnaître que j’aime les cocktails secs et puissants où l’éthanol a donc un rôle important. M’aventurer vers un long drink m’arrive, et là je n’ai rien contre avoir un cocktail sans alcool car le mixer, le jus d’agrume, la menthe, etc. apportent aussi leurs lots de saveurs.
Quand on me vend une alternative sans alcool à un Gin Tonic, je préfère prendre un bon tonic que je vais twister avec un brin de romarin, ça sera tout aussi efficace.
L’année dernière, j’avais fait une dry week en m’amusant à faire des cocktails. Je vous livre quelques idées, certains ingrédients sont présents dans toutes les maisons & coûtent quelques centimes.
D’ailleurs en parlant d’euros.
-> Ils se font plaisir sur les prix
Je dois reconnaître que là, on a beau m’expliquer les méthodes d’élaboration, j’ai dû mal à comprendre la structure de coût.
Pour rappel, si vous avez une bouteille de spiritueux à 40%vol. vendue 30€ttc vous avez :
- 5 € de TVA à 20%
- 6,68 € de Taxes alcool
- La marge du caviste, on taira les coefs !
- La marge du producteur
- Le coût de production
Pour un produit de cette nouvelle catégorie dans les mêmes conditions, vous avez :
- 1,56 € de TVA à 5,5%
- 0 € de Taxes alcool
- Tout pareil après
Différence : 10,12 € soit 1/3 du prix final.
Alors oui
- Cela demande + de botaniques pour arriver à extraire les saveurs ; & encore combien utilise des arômes ?
- Les productions sont petites ; & encore quand on voit Lyre’s ou Seedlip qui sont présents internationalement…
- La technique de désalcoolisation est coûteuse ; c’est vrai, tu fais d’abord un spiritueux puis tu enlèves l’alcool, mais peu de marques utilisent cette technique car justement trop coûteuse !
- La R&D est longue… comme pour beaucoup de spiritueux qui s’en donnent la peine.
Donc non, je ne comprends toujours pas.
-> La dichotomie criante entre le marché et son offre
On ne va pas se le cacher, boire des cocktails moins alcoolisés et sans alcool est une très bonne chose. Quand on en parle avec certains barmen, ils admettent que la demande consommateur est là.
Il y a donc une réponse à apporter à ces différentes cibles. Oui, le marché de la femme enceinte vanté dans les pubs d’Artigny n’est qu’une niche par rapport à la taille réelle.
Et je m’inclus dedans, parfois j’aimerai que le taux d’alcool dans mon sang soit moins important !
Sauf que nous avons une démonstration parfaite sur la mauvaise réponse à une problématique marché.
C’est ce que les start upers vont appeler le problème de Product Market Fit.
On a pris des raccourcis pour être présent rapidement et empocher les parts de marché tant convoitées sans se demander si le produit est le bon (cela inclut de nombreux aspects du mix-produit)
Et je sais de quoi je parle. Quand j’ai lancé Balbine Spirits il y a 6 ans, j’étais l’un des tous premiers en France à faire des cocktails prêts-à-boire premium. Avec des produits… de niche… sur un marché… de niche. Pas facile de faire évoluer les mentalités.
Mes produits sont bons, mais qui en France connait le Boulevardier ?
Il y a une autre problématique : faire oublier les mastodontes mainstream comme Mister Cocktail (pour info 3,30 € la bouteille) mais qui vend environ 1,5 million de bouteilles par an (source LSA 2021) en développant une offre premium.
Sauf qu’au final le produit trompe sur la marchandise, non ce n’est pas un spiritueux pourtant je te le fais croire, à un prix très élevé par rapport à ce que le consommateur français est prêt à payer (un gin à 15€ est déjà considéré comme premium pour 98% de la population).
C’est un produit pour cocktails. Ok mais dans un Negroni, cette boisson à la genièvre se fait écraser par les vermouth/bitter et on perd la texture apportait par l’éthanol du gin. Dans une alternative au Gin To’, ça fait un cocktail sans alcool hors de prix alors qu’il suffit de pas grand chose pour twister ton verre.
Ton produit peut être bon en goût (si tu ne sur-vends pas ce que tu n’es pas) si le prix est trop élevé, les gens l’achèteront 1 fois mais pas 2.
Et garderons en tête que l’expérience de ce type de produit n’est pas bonne.
Il est évident que cette catégorie va grandir et va voir émerger de nouveaux acteurs, de nouveaux goûts et je l’espère de nouveaux discours qui assumeront qui ils sont.
Je vous livre un produit que j’ai trouvé intéressant. Et à ma grande surprise il s’agit des Martini Floreale & Vibrante.
Je suis curieux de connaître leurs stats de vente, si vous les connaissez, je suis preneur !
Je pense d’ailleurs que ça doit être la catégorie qui s’en sort le mieux en sans alcool.
A moins de 10 € le litre, on est + cher que leur Martini de base, mais je dois reconnaître que l’expérience est là.
Nous sommes sur une base de vin désalcoolisé, technique maîtrisée depuis longtemps, avec ajout de plantes aromatiques (& arômes ?!)
L’utiliser dans un Negroni permet de faire baisser un peu le degré du cocktail & avec un tonic ou une eau pétillante, ça fonctionne aussi plutôt bien.
Et vous quels produits sans alcool vous a vraiment surpris ?
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